Une physique des meutes se propage par épidémie. C’est le premier principe énoncé par Deleuze et Guattari. Le corps, devenu intense, se prête à plusieurs alliances. Cette propagation par contagion s’oppose à la filiation par hérédité. Le rhizome s’oppose à l’arborescence ou à la structure. Il n’y a plus de lignée génétique mais des alliances. On procède par conjonction, résonance, déflagration, différence, et non par imitation. L’appel du multiple est celui de la nature sauvage. Il engage à chercher ses propres meutes, ou sa multiplicité-loup. C’est pour cela que le devenir-animal est d’abord moléculaire ou cellulaire. Devenir-animal, ce n’est pas devenir-un-animal, ni faire l’animal, ou ressembler à un animal, ou encore croire que l’on est un animal ou se déguiser en animal. Ce n’est en en aucune façon représenter l’animal. Nul besoin de savoir de quel animal il s’agit. Il y a un animal tantum, un seul plan de composition pour tous les animaux. Ce plan de vie est un plan d’univocité commun à toutes les espèces.

Devenir-animal c’est suivre une zone d’indiscernabilité, conjuguer des vitesses, déplacer des articulations, mêler ses molécules de corps à des molécules d’inconscient, de loup, de nuage ou de guêpe ; c’est générer des différentiels entre les particules, c’est devenir matériau vivant et polymorphe, bestiole de soi, habiter les intervalles, faire rhizome avec l’ensemble des devenirs. L’animal et l’humain font alliance par le rythme et le mouvement. Pour Bergson, l’animal se caractérise par la capacité à emmagasiner l’énergie et à la libérer par décharges explosives au moment voulu. Cette particularité a grandement influencé ma pratique. Chaque devenir-animal cherche des alliances avec ses semblables, sans pour autant perdre sa liberté de circulation. Il se frotte, frôle, court, joue, fuit. Tantôt il va seul, tantôt il se mêle. Tantôt il mène, tantôt il suit. Il y a une liberté féroce et joyeuse dans le fait de faire meute. La meute se compose de flux hétérogènes et pourtant accordés. Elle opère par contagion et renverse les classifications. Ses contours sont indéfinis. C’est sur la bordure des meutes que se font les alliances avec les devenirs. 

Lorsqu’il investit l’espace strié de la ville, l’animal déroule avec lui ses espaces lisses qui dissolvent la multiplicité numérique, quantitative, pour lui opposer une multiplicité de meute, qualitative. En mars 2010, quatre ans après le début de mes explorations somatiques, j’ai fait un premier essai de Meute dans le cadre de mes recherches. Il en a résulté un film : Rouge animal, du lisse dans le strié des villes. Ce film allait s’avérer être le premier d’une série de sept, Monochrome animal, qui engendrerait huit mois plus tard un protocole de performance : la Meute. À ce moment là, c’était une meute, effectuée dans un marché du 7e arrondissement de Paris, sur le pont Alexandre III et sur le parvis de la Bibliothèque Nationale de France. J’avais demandé alors à cinq membres du Corps collectif de participer à cette tentative, non pas en tant que Corps collectif mais à titre individuel. J’ai partagé avec eux la pratique animale, nue et monochrome que j’avais élaborée depuis deux ans. Nous étions six ce jour là, nous allions être treize par la suite.

À ce moment-là, les Meutes étaient faites en vue de la réalisation de films de vidéo expérimentale. Il y en a eu sept en tout.

Dans le cadre de mes recherches personnelles : 

• 1Rouge/red – Rouge animal du lisse dans le strié des villes, Paris, mai 2010
  

Avec le Corps collectif : 

• 2Bleu/blue – Mer de sable de la forêt de Fontainebleau, juin 2010
• 3Noir/black – Rochers du bord de mer à Ramatuelle, juillet 2010
• 4Jaune/yellow – Lever du jour sur la plage de Pampelonne, juillet 2010 (cette Meute est la première avec la nudité intégrale)
• 5Violet/purple – Forêt de Rambouillet, août 2010
• 6Blanc/white – Bois de Vincennes, septembre 2010

Avec des praticiens de BMC : 

• Il y a eu un septième film, 7Vert Véronèse/veronese green, dans une forêt d’Ardèche en novembre 2010. Ce film n’a pas été fait avec le Corps collectif. J’ai partagé le protocole de la Meute avec le groupe de quarante danseurs et praticiens de BMC avec lesquels j’étais en formation depuis quatre ans.