films moléculaires

Devenir-moléculaire

La peau se fait de plus en plus ténue, propre à capter l’immatériel. Sa membrane devenue perméable invite une porosité, une transparence. L’intervalle entre les particules occupe tout l’espace. Le corps devient une totalité ouverte, en prise directe sur le mouvement. La vie investit la matière non organique, elle se propage indépendamment des corps. La membrane cellulaire de la plante ou de l’animal s’ouvre au champ des particules élémentaires et entre en résonance avec le cosmos. 

 

En ce qui me concerne, le devenir-moléculaire est passé au préalable par un devenir-cellulaire, qui m’a permis d’investir un corps fluide dont les mouvements, comme ceux de la respiration cellulaire, traversent les membranes. Pour moi, le devenir-cellulaire précède le devenir-animal. C’est à ce niveau de l’expérience, qu’ont commencé à se défaire certaines images du corps, propres à la représentation de soi. C’est par le cellulaire que je suis entrée dans la multiplicité des devenirs. À travers l’élément liquide, élément minéral, la multiplicité cellulaire entre en résonance avec l’ensemble du vivant, comme avec l’eau en toute chose, terre, air, pierres... Ainsi, se créent des alliances avec la matière non organique et les éléments. En s’élargissant, la perception investit des interstices, les espaces entres les particules. Progressivement, de cellulaires mes explorations somatiques sont devenues moléculaires. On peut en voir la trace dans ces films : en 2009, dans la série Neuronal, les éléments sont des neurones ; en 2010, dans After Atom’x, ce sont des atomes. 


Devenir-imperceptible

 Aux niveaux organique et physique, la matérialité de nos corps, des objets et des matériaux qui les entourent est distincte : mon corps n’est pas de la même matière que l’air ou que le bois du parquet. Mais si on effectue une bascule perceptive et que l’on se place au niveau moléculaire, il y a du vide et des atomes. Un vide continu entre les corps et le monde occupe tout l’espace. Devenir-imperceptible, c’est peut-être cela : épouser le vide, l’espace entre les particules. « L’imperceptible est la fin immanente du devenir, sa formule cosmique. » (Deleuze et Guattari, Mille plateaux). Mais le devenir n’a pas de fin. Devenir-imperceptible est une immanence pure. Il n’y a plus de forme ou de plan d’organisation, seulement un espace entre. À force de défaire une certaine image, de se délester de certains codes, on accède au vide-plein au cœur des choses. Depuis que je suis engagée dans ces processus actifs de devenir, j’ai traversé plusieurs mondes perceptifs. Ce n’est que récemment, après de nombreuses années d’expérimentations, qu’il me semble que j’accède assez naturellement à l’imperceptible. Pour Deleuze et Guattari, ce processus requiert « beaucoup d’ascèse et de sobriété, d’involution créatrice », il découle d’éliminations successives. On passe sous le seuil de perception pour investir le mouvant : « le mouvement est par nature imperceptible ». Le devenir-imperceptible, à la fois vide et plein, articulation à la différence, mouvement créateur, semble porter en lui le secret de la vie.

 

Aujourd’hui, je suis engagée dans des modes performatifs qui impliquent un devenir-imperceptible : ne pas fournir, ne pas remplir le vide, devenir le vide. De là naissent des formes, toujours transitoires, à la fois matérielles et immatérielles, qui continuent d’alimenter mes individuations singulières et collectives.


after atom'x

Année : 2010
Durée  : 5 min. 43 sec.

Réalisation : Nadia Vadori-Gauthier 

Musique : Modo, Loscil avec l’aimable autorisation de Scott Morgan.

 

 

 

 

 

Ce film, réalisé à partir de l’artefact Atom’x de François Dallegret, objet créé en 1966 et réédité en 1996. J’ai retravaillé les images et la couleur sur plusieurs couches successives. Il me semblait voyager tantôt à l’intérieur du corps, tantôt au sein de la matière à l’échelle des particules élémentaires, ou encore dans un matériau cosmique. Une barre noire balaye la surface de bas en haut comme un scanner en faisant monter le rouge. Le film s’arrête lorsque le rouge occupe tout l’espace.

 

neuronal

8 films réalisés sur 8 pièces de musique atonale de Bruno Lasnier, 2009.

Neuronal 1
Neuronal 1
Neuronal 2
Neuronal 2
Neuronal 3
Neuronal 3
Neuronal 4
Neuronal 4
Neuronal 5
Neuronal 5
Neuronal 6
Neuronal 6
Neuronal 7
Neuronal 7
Neuronal 8
Neuronal 8